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« Quand la rue ne tue pas, elle abîme...gravement ! »

« Quand la rue ne tue pas, elle abîme...gravement ! »

  

Constat alarmant de la situation des personnes sans-abri à Paris dans une interview de Théo Férignac, coordinateur de la campagne Alliance Hiver 2024 avec le collectif Inter-Orgas pour le Secours populaire de Paris, au micro de Phare FM. Avec 37 décès en France depuis le début janvier 2024, il est urgent d’agir. Le parcours de vie des personnes sans-abri, en particulier le public exilé est très précaire. Théo Férignac nous raconte la dure réalité de leurs situations et présente la collecte d’urgence Alliance Hiver 2024.  

 

Thomas Pownall, journaliste Phare Fm : Vous faites partie du Secours populaire de Paris et vous êtes le coordinateur de la campagne Alliance Hiver 2024 que nous allons présenter dans cette interview pour l'Inter-orgas. Un regroupement de plusieurs dizaines d'associations intervenant auprès des personnes à la rue à Paris, dont le Secours populaire de Paris, LA HALTE, Utopia 56, l’Armée du salut et puis Médecins du Monde, avec un constat simple, la rue tue encore aujourd'hui à Paris ? 

Théo Férignac :  Oui, tout à fait. On peut encore mourir de la rue à Paris et en France de manière générale.  Depuis le début de l'année, 37 personnes sont mortes de la rue en France. C'est encore une réalité. Et quand la rue ne tue pas, elle abîme, elle abîme gravement. Et justement, la rue, elle tue avec quoi la faim, le froid, la maladie... 

 On pense souvent que c'est le froid et évidemment, le froid tue, bien sûr, mais les personnes qui vivent à la rue ne meurent pas de la rue uniquement l'hiver, quand les températures deviennent négatives. Elles meurent de la rue toute l'année. Et la raison pour cela, c'est que tout simplement, à la rue, on développe un certain nombre de pathologies où les pathologies préexistantes s'aggravent par manque de soins, par difficulté d'accès aux soins.  

Qu'est-ce que l’on sait du parcours de vie de ces personnes-là ? 

Alors, il y a plein de situations différentes. L'Inter-orgas, elle est constituée d'associations qui interviennent en particulier autour du public exilé et des migrants. Pour beaucoup, ce sont des hommes, des familles qui viennent d'arriver en France et ne peuvent pas bénéficier d'un hébergement d'urgence, se retrouvent à être contraints de passer du temps à la rue, des nuits à la rue. Ça concerne des hommes qui demandent l'asile, des réfugiés mais aussi des familles avec des enfants. 

L'hébergement d'urgence à Paris étant totalement saturé, ils n'ont pas le choix que de passer un certain nombre de nuits, de jours à la rue. Il y a également des personnes qui ont des parcours extrêmement hachés, des parcours de précarisation et d'isolement social qui sont extrêmement longs. On a vraiment une crise du logement, et cette crise du logement, elle commence par le manque de place dans l'hébergement d'urgence. Le nombre de personnes qui vivent à la rue à Paris ne décroît pas. Il a plutôt eu tendance même à augmenter ces dernières années. 

 Une des causes principales, c'est la difficulté qu'ont ces ménages, ces personnes à accéder soit au logement social quand ils sont éligibles, soit à un hébergement d'urgence. 

Est-ce que vous avez l'impression que c'est une période où les Français sont particulièrement touchés par ce sujet-là et donc vont donner un petit peu plus ? 

Malheureusement, ce sont souvent les températures négatives de l'hiver qui mettent momentanément un coup de projecteur sur cette situation. Bien sûr, la générosité populaire est capitale, elle est extrêmement importante. Et on essaye, nous, de mobiliser vraiment toute l'année autour de cette problématique et de porter le message que ce sont des situations qui perdurent, des situations qui sont dramatiques, mais qui sont dramatiques y compris en dehors de l'hiver. Toute l'année, la rue abîme et la rue tue, ça c'est une certitude. L'Inter-orgas effectivement intervient via des maraudes, des permanences sociales, tous les jours de l'année auprès du public, en particulier du public exilé dans les campements de migrants pour essayer d'accompagner au mieux et d'apporter un soutien à ces personnes. 

1000 tentes ont été distribuées en 2023. Expliquez-nous ce que vous comptez récolter et distribuer cette année en 2024 ? 

Oui, nous avons un objectif un peu plus ambitieux cette année.  Notre ambition est de récolter 30 000 euros qui serviront à acheter 1 500 tentes. Et tout argent supplémentaire pourra nous aider à nous fournir également dans des sacs de couchage. C'est vraiment du matériel qu'on distribue tout au long de l'année. C'est du matériel évidemment coûteux. Et on a besoin du soutien de la population pour nous aider à nous approvisionner et pouvoir en distribuer vraiment toute l'année. 

Et à notre niveau, comment changer de regard sur les personnes sans-abri en France et à Paris ? 

Il est important de dire que c’est avant tout une crise de l'accueil. Je pense que nous avons les moyens d'accueillir dignement ces personnes. Simplement, nous manquons d'hébergement, on manque d'hébergement d'urgence, d'hébergement pour les demandeurs d'asile, pour les réfugiés. 

 Et il y a toujours un mythe de l'appel d'air qui est extrêmement présent et qui mène à des politiques qui ne sont pas adaptées, des politiques qui sont effectivement guidées par la peur, par le rejet.  

Je pense que c'est absolument essentiel que nous gardions en tête qu'être hébergé, c'est un droit fondamental, c'est une question de dignité. Nous avons les moyens d'héberger tout le monde et de faire en sorte que ces personnes ne passent pas de nuit à la rue. 

Et pour soutenir cette campagne Alliance Hiver 2024 portée par l'Inter-orgas, qui regroupe plusieurs dizaines d'associations et d'organismes œuvrant auprès des personnes sans-abri à Paris, rendez-vous sur https://don.secourspopparis.org/Alliancehiver2024/ 

Merci Théo Férignac, coordinateur de la campagne pour le Secours populaire de Paris.  

Source : https://pharefm.com/2024/02/02/linvite-du-jour-alliance-hiver-2024-avec…