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droit de l'enfant pour le climat

30 enfants venus du monde entier
réunis pour défendre leurs droits
et le climat

Quelle effervescence ! Une effervescence à la fois joyeuse et consciencieuse. Cette fin novembre a vu souffler un vent nouveau dans les étages de l'Académie du Climat, à deux pas de l'Hôtel de Ville de Paris.

Une trentaine de jeunes de 11 à 17 ans venus de 12 pays à travers le monde s'y sont retrouvés avec une mission : ajouter un article à la Convention Internationale des Droits de l'Enfant, rien que ça ! Cette Convention des Nations Unies date de 1989 et à l'époque, le besoin s'en faisait sans doute moins sentir, rien n'avait été dit sur le Droit des enfants face aux dérèglements climatiques. Il devient urgent d'y remédier. La journée internationale des Droits de l'Enfant étant fixée au 20 novembre, cette semaine de rencontres ne pouvait mieux tomber pour s'y atteler.

Alors «le Secours Populaire de Paris, avec les Associations dont il est partenaire à travers le monde, et le soutien de la Mairie de Paris, a fait venir 21 jeunes de 11 pays auxquels sont venus s'ajouter 15 jeunes vivant en France» précise Jean Guilvout, le responsable de la section Internationale du SPF Paris.

C'est ainsi qu'en entrant dans la salle des fêtes de l'Académie du Climat, on pouvait entendre tout à la fois parler français, anglais, espagnol et même serbe, indonésien, ukrainien et j'en passe. Ils avaient beaucoup à dire et à exprimer sur le climat mais aussi sur les violences faites aux enfants, l'éducation, la santé... Pour être efficace et entendu, il fallait mettre tout cela en ordre et apprendre à le dire devant un public. Ils ont donc répété, et encore répété, sous l'œil bienveillant et expert de Jonathan Levy. Avec sa moustache et son accent british, ce militant des droits de l'enfant et expert en pédagogie les a amené les un(e)s après les autres à surmonter leur stress et leurs émotions pour mieux faire passer leur message.

Et c'était émouvant d'entendre Yana, jeune fille de 15 ans aux très long cheveux blonds, venue de Kherson en Ukraine, fondre en larme en racontant comment «la guerre dans mon pays a des conséquences non seulement sur les gens, les enfants qui meurent, mais aussi sur l'environnement et le climat, sur les forêts qui brûlent à cause des combats». Youssouf, originaire du Mali mais vivant en France depuis 4 ans, évoque lui l'école absente de la vie de tant d'enfants dans son pays par manque de moyen financier. Tout comme Rayane venu du Maroc ou Cheikh Tidiane du Sénégal qui estime que «l'école est la seconde maison de l'enfant». Les répétitions devant les autres enfants s'enchaînent, certain(e)s timides, d'autres étonnants(es) de facilités mais tous engagés(es) avec un sérieux à la hauteur de l'enjeu.

Il est rare que les enfants puissent plaider leurs causes en direct avec les adultes. Cette fois-ci, ils seront en face d'eux et pas «pour des discours abstraits. Ce qu'ils évoquent, c'est leur vécu. Ça oblige les adultes à avoir un autre regard sur les enfants» souligne Jonathan.

Comment ne pas être surpris par le sérieux de Vazo, emmitouflée dans sa grosse doudoune. Cette lycéenne de 14 ans aide dans sa ville d'Antananarivo d'autres enfants à faire leur devoir, en partageant des livres, en donnant des cours de langue aux enfants les plus pauvres de la capitale malgache. Vazo parle doucement : «C'est le droit des enfants de faire ce qu'ils aiment et de ne pas être obligé d'aller travailler chez des gens riches pour ramener de l'argent dans leur famille ou être mariée trop jeune».

Comment ne pas être ému par Carlos, adolescent péruvien de 15 ans, qui a décidé «d'optimiser ma vie au max en donnant un coup de main à l'AFAS» qui dans sa ville de Puno apporte une aide alimentaire «aux enfants de la rue parce que ça pourrait être moi à leur place». Il a été impressionné par ce qu'il a entendu ici, la guerre en Ukraine ou les problèmes de pollution qui provoquent des problèmes respiratoires à ses petites voisines de table indonésiennes. Ça lui rappelle «les entreprises minières de mon pays qui polluent et contaminent le lac Titicaca».

Comment ne pas être impressionné par Kansa, 11 ans, et Calya, 13 ans, venues de Sumatra et Djakarta en Indonésie. Elles ont fait connaissance à Paris lors de ces journées et sont devenues inséparables. Elles sont venues grâce à l'ONG de Défense des Droits des Femmes Beranda Perempuan. Elles sont proprement incroyables quand elles vous expliquent dans un anglais parfait, qu'elles ont été choisies parce qu'elles ont «de l'expérience en tant que militantes dans nos écoles contre les mariages forcés et l'exploitation sexuelle. Il y en a beaucoup autour de nous car c'est vécu comme une solution à la pauvreté. C'est donc accepté comme une norme». Et elles poursuivent, intarissables, sur le réchauffement climatique qui rallonge dramatiquement «la saison des pluies et provoque de plus en plus d'inondations».

Avec ses tresses africaines Khadijetou, 12 ans, a fait le voyage depuis Dakar pour dénoncer le peu de scolarisation des filles au Sénégal, là-bas aussi «à cause de la pauvreté et de la surexploitation des enfants qui sont même parfois volés». Le dérèglement climatique est un problème qui prend des proportions catastrophiques : «la chaleur donne des migraines et les pauvres qui n'ont pas de climatisation n'arrivent plus à dormir à cause des températures qui ne baissent plus assez la nuit. Tout ça déclenche des maladies, sans compter les voitures trop nombreuses qui dégagent de la fumée, les ordures un peu partout et les eaux usées dans les rues.

Moi toute seule, je ne peux rien faire. Je ne peux pas frapper les adultes pour les forcer à faire attention mais ici je peux parler et dire que les droits des enfants sont sous-estimés et pas respectés».

Vahe, arbore fièrement son blouson estampillé «Secours Populaire Français» qu'il ne quitte pas, même à l'intérieur. Il vient du Haut Karabakh, autre région du monde en conflit qui l'a amené à tout quitter avec sa famille pour se réfugier à Goris dans le nord de l'Arménie. Depuis le stress, la peur, l'empêchait de parler mais ici il veut tout raconter, «comment un enfant de 14 ans peut perdre sa maison, ses amis en moins d'une journée». Vahe pense que s'il parvient à dire «des vérités aux adultes de façon intelligible, alors ça peut changer»

Il y a justement une adulte qui est venue les écouter cet après-midi là. C'est Dominique Versini. L'ex Défenseure des enfants est désormais Adjointe à la Maire de Paris chargée des droits de l'enfant. L'occasion de rappeler à ces enfants que «vous avez des droits fondamentaux et que nous adultes devons donner réalité à ces droits». Leurs travaux du jour n'en resteront pas là promet-elle : «Nous vous inviterons au J.O de Paris en 2024 et vous pourrez dire aux Chefs d'Etat présents ce que vous avez à dire sur les Droits de l'Enfant». Des enfants qui pour l'heure n'en croient pas leurs oreilles.

Paris présentera ce plaidoyer sur le Climat comme Droit de l'Enfant «aux institutions internationales et nous le ferons signer chaque fois que possible. Nous le présenterons au Monde qui sera rassemblé à Paris pour les J.O de 2024 afin que ça aille jusqu'à l'ONU».

Les enfants ont ce jour-là une première occasion de présenter ce «nouveau droit de l'enfant pour le climat» dans l'immense bibliothèque de la Ville de Paris. En y entrant, chacune et chacun d'entre eux à l'impression d'être projeté d'un coup dans l'univers d'Harry Potter. C'est là, sur les grandes tables d'étude, que les enfants, tels des livres ouverts, exposent une première fois en public leurs attentes et Naïlem, venue tout droit du 19eme arrondissement de Paris préfère prévenir tout de suite les adultes : «Je ne veux pas qu'on me dise Oui Oui. Je veux du : On va le faire». Par exemple «donner de l'argent pour isoler les écoles des pays chauds car comment étudier dans des bonnes conditions avec des températures extrêmes». Naïlem ne trouve en effet «pas juste que moi, le soir, je rentre pépère chez moi après l'école alors que d'autres ne peuvent y aller parce qu'ils doivent aller labourer les champs». De son côté, le jeune malgache Ny Antsa raconte pour sa part que Madagascar était autrefois «une île verte qui est devenue l'île rouge à cause de la déforestation, de la pollution». Même constat de Myrto et Helen venues de Grèce et qui voient les incendies se multiplier d'année en année.

Les livres-enfants ont parlé. C'est l'heure de la dernière séance, la plus importante. Tout le monde se retrouve dans l'hémicycle du Conseil de Paris pour écouter dans cette salle bondée et solennelle les plaidoyers de 8 des enfants. Ils vont s'exprimer devant un public beaucoup plus large, des élus(es), des responsables d'associations et d'autres enfants.

Anne Hidalgo est venue saluer cette assemblée inhabituelle : «Nous les politiques, nous prenons des décisions pour l'avenir mais c'est vous qui allez les vivre. Il faut que vous participiez». Et de rappeler comment sa ville cherche à associer les enfants dans les décisions qui les concernent. Pour aller plus loin, la Maire de Paris annonce la création «d'une Assemblée Citoyenne des Enfants» à Paris.

C'est au tour des 8 enfants de prendre maintenant la parole debout, micro à la main, sans trembler. Voici Lhana, la franco-hongroise qui dénonce «l'addiction aux écrans qui nous écartent du monde réel et utilise beaucoup d'énergie», Sasha l'ukrainien qui évoque la guerre, cette violation permanente des droits de l'enfant. Vazo la malgache qui rappelle que «chaque enfant a le droit de s'exprimer sur les questions qui le concerne», Carlos le péruvien qui pointe du doigt l'extraction «des métaux lourds dans mon pays qui a des répercussions sur les capacités neurologiques des enfants. Fran, le croate, qui explique comment sa ville protège les droits des enfants, Celya, la française qui demande «aux enfants d'hier de permettre aux adultes de demain de pouvoir grandir sans la peur», Dust, le russe qui s'alarme de voir «7 millions de personnes mourir chaque année de la pollution atmosphérique» et ne comprend pas qu'on attende 2050 pour éradiquer les véhicules polluants.

La salle du Conseil de Paris résonne sous les applaudissements. Il y aura encore beaucoup à faire avant d'arriver à intégrer ce nouvel article sur le climat dans la Convention Internationale des Droits de l'Enfant des Nations Unies. Mais la première étape de la mission est accomplie. Pour le moment, c'est l'heure du goûter...

 

Christophe Decroix